TDAH et thérapeutiques

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Sortir de la logique de « l’enfant à problème »

Nous l’avons vu dans les autres sections, il y a actuellement une tendance à réduire les phénomènes d’agitation et d’inattention des enfants à un déficit cérébral. S’engager sur cette voie n’est pas sans danger. En effet, cela risque de nous enfermer dans une conception de la situation où c’est avant tout, voire uniquement, l’enfant qui aurait un problème et devrait subir un traitement thérapeutique. Cette optique réduit le champ de notre réflexion et nous empêche de penser sérieusement l’environnement dans lequel se trouve l’enfant: famille, école, société, culture, civilisation. Plus encore, le risque est grand de faire porter à l’enfant une responsabilité qui le dépasse largement et qui ne peut qu’être trop lourde pour lui.

Sortir de cette logique de « l’enfant à problème » nous permet de prendre le recul nécessaire afin de regarder les multiples facettes de la situation : environnement familial, scolaire, social. C’est un premier pas que notre société se doit de faire pour que les choses puissent changer dans la vie personnelle des gens et plus globalement dans notre vie collective. Cependant, nous sommes encore loin d’une telle prise de conscience collective et il faudra encore du temps avant que cette transformation puisse s’opérer à une large échelle. Dans plusieurs situations où les enfants et leurs parents se retrouvent coincés dans des dynamiques sources de souffrance, cela ne permettra pas un changement suffisamment rapide. Les parents d’un enfant agité qui sont sur le bord de la dépression ou de la crise d’anxiété n’attendront pas un changement social de grande ampleur pour retrouver un bien-être qui leur échappe de plus en plus. Logiquement, ils se mettront en quête de solutions pour agir ici et maintenant. Par égard pour cette réalité, nous souhaitons dans cet article apporter quelques éléments de réflexion concernant les thérapeutiques qui peuvent être trouvées à court terme dans le champ de la santé mentale.

 

La médication et la thérapie cognitive-comportementale

Dans la section « TDAH décortiqué », nous avons mis en évidence quels sont les traitements les plus répandus actuellement dans les cas d’enfants agités ou inattentifs : la médication et la thérapie cognitive-comportementale. Si nous sommes critiques au regard de la conception des troubles de santé mentale qui sous-tendent souvent ces approches thérapeutiques, nous ne dénions pas pour autant que ces modalités d’intervention peuvent constituer un support pertinent dans plusieurs situations. Nous ne sommes pas opposés à l’utilisation de médication ou d’interventions cognitives-comportementales auprès d’enfants : nous considérons qu’il s’agit d’outils d’intervention qui peuvent être utiles s’ils sont utilisés en connaissance de cause.

Il existe différentes médications qui peuvent être prescrites dans les cas de TDA(H). Celles-ci doivent être prescrites par des médecins (généralistes ou psychiatres). Les différentes médications disponibles sur le marché ont indéniablement des effets. Mais ce qui apparaît à court terme comme un gain peut se révéler plus problématique sur le long terme. Par ailleurs, les médications comportent aussi des effets secondaires problématiques (voir section TDAH décortiqué).

La thérapie cognitive-comportementale est décrite sur le site de l’Ordre des psychologues de la façon suivante : « L’orientation cognitive-comportementale est basée sur l’idée selon laquelle les difficultés psychologiques sont liées à des pensées ou à des comportements inadéquats. Le psychothérapeute qui adopte cette approche utilise différentes techniques et stratégies afin d’aider son client à modifier ses comportements, ses pensées, ses émotions. ». Des interventions cognitives-comportementales peuvent fournir des outils intéressants et utiles aux enfants, parents et enseignants pour aider à l’organisation et à la gestion de l’attention et de l’énergie de l’enfant. Cependant, tout comme dans le cas du recours à la médication, le risque est présent de demeurer dans une logique où c’est l’enfant qui aurait un problème. Ceci pourrait avoir pour résultat de confiner l’action thérapeutique dans une perspective de contrôle chimique et de rééducation comportementale et cognitive sans donner aux enfants l’espace nécessaire à l’expression de ce qui les habite et qui cherche sa voie. Ceci reviendrait alors à prendre le parti de l’ordre social uniquement sans prendre au sérieux la nouveauté dont chaque enfant est porteur et dont cette société a justement besoin si elle veut évoluer.

Prendre conscience du caractère limité de telles interventions est déjà une première façon d’ouvrir un espace pour qu’autre chose puisse advenir. En tant que parents, en tant qu’enseignants, en tant que psychologues, nous pouvons avoir recours à de tels outils sans pour autant nous y aliéner. Ce faisant, nous demeurerons attentifs aux autres dimensions qui peuvent être présentes dans la situation et nous garderons ouvert un espace propice à déployer notre inventivité et notre créativité propre. Car c’est bien cela dont il s’agit : que les adultes eux-mêmes se branchent sur ce qui les anime en propre afin de transformer suffisamment leurs manières d’être pour être en mesure d’accueillir différemment les enfants. Nous pouvons par exemple nous interroger sur les exigences qui pèsent aujourd’hui sur nous en tant que parents, enseignants, professionnels oeuvrant auprès d’enfants. Nous pouvons questionner notre mode de vie en tant qu’adultes, les activités que nous offrons à nos enfants, notre rythme de vie, les désirs et rêves auxquels nous avons renoncé pour des exigences sociales peut-être mal adaptées à qui nous sommes. Les enfants sont des êtres sensibles et intelligents : ils réagissent à leur environnement et sentent lorsque les adultes ne sont pas au clair avec leurs propres décisions, choix de vie, etc. Parfois, cela les angoisse, d’autres fois cela peut les agiter, les déconcentrer. Le plus souvent, ils ne seront pas en mesure de nommer ce à quoi ils réagissent tant que l’environnement demeurera inchangé.

 

Les thérapies systémiques et psychanalytiques

Dans le monde de la santé mentale, les approches systémiques et certaines approches psychanalytiques[1] adoptent un point de vue différent sur les problématiques impliquant des enfants. Toutes deux partagent une conception de la famille où l’enfant n’est jamais vu comme étant seul responsable de son état.

Pour l’approche systémique, l’enfant est pris dans des dynamiques familiales problématiques et peut ainsi devenir le « porteur de symptôme » de la famille : à travers son « trouble », c’est en réalité une souffrance appartenant au système familial qu’il met en évidence. Le thérapeute systémicien considérera ainsi qu’agir uniquement au niveau de l’enfant ne pourra pas régler une situation qui implique des dynamiques entre tous les membres de la famille. Ce sera donc en rencontrant la famille au complet et en travaillant avec celle-ci les différentes dynamiques familiales en jeu que le thérapeute systémicien interviendra.

L’approche psychanalytique part elle aussi du principe que l’enfant qui présente un « trouble » ne peut être tenu pour seul responsable de son état. De même que l’approche systémique, il s’agira dans ce cas d’interroger ce qui, dans les dynamiques familiales, vient perturber le bon développement de l’enfant. La spécificité de l’approche psychanalytique se situe dans la prise en considération des enjeux inconscients avec lesquels les parents peuvent être aux prises et qui parfois datent de bien avant l’arrivée de leur enfant, mais qui, à l’occasion de la venue de ce dernier, ressurgissent et se cristallisent dans des interactions sources de souffrance. Une offre d’intervention au niveau familial passera dès lors par l’écoute des difficultés des parents qui, si elles ne trouvent pas à se régler, risquent de perturber le bon développement de l’enfant.

 

Pour trouver des professionnels

Le site de l’Ordre des psychologues du Québec offre un outil de recherche permettant de trouver des professionnels qui travaillent selon les différentes approches décrites ci-dessus ainsi que selon l’approche existentielle-humaniste. Par ailleurs, vous pouvez trouver une description de ces orientations réalisée par l’Ordre des psychologues à la page suivante : Ordre des psychologues

À Québec et à Montréal, il existe de nombreuses cliniques d’approches variées offrant des services aux familles. Le groupe GDAH s’est particulièrement intéressé à la Clinique psychanalytique pour la famille créée par le GIFRIC et active à Québec et à Montréal. La conception de l’enfance des professionnels y oeuvrant nous rejoint particulièrement et a nourri la conception de notre site Web. Pour plus d’informations sur cette clinique, cliquez sur le lien suivant : Clinique familiale.

 

Notes de bas de page:

[1] Le terme « psychanalyse » est aujourd’hui décliné en diverses acceptions et divers courants de pratique s’y rapportent. Dans la littérature, on trouve des textes de psychanalystes qui partagent le point de vue selon lequel l’enfant aurait un problème. Cependant, plutôt que de parler d’un déficit cérébral ou cognitif, ces auteurs parleront par exemple d’un « dysfonctionnement du Moi » ou feront référence à d’autres concepts psychanalytiques pour signifier que l’enfant a un problème. Aussi, lorsque nous référons à la psychanalyse dans cette section, nous ne parlons pas de ces approches. Celles-ci, en effet, n’apportent pas un point de vue différent mais utilisent simplement un vocabulaire autre.